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La dernière tentation du Christ
De Martin Scorsese, 1988, 2h40.

Voilà un film qui m'a vraiment surpris. Il faut dire que Scorsese a souvent réussi à me surprendre... Voir Willem Dafoe dans la peau de Jésus et Harvey Keitel dans celle de Jésus, je ne m'y attendais pas ! Mais le plus surprenant c'est surtout de voir l'histoire des derniers jours de Jésus complètement réécrite. Pas par désir de blasphémer, mais peut-être pour rendre à Jésus un côté plus humain qui a été totalement déformé par les Ecritures. Je ne suis pas croyant, mais je pense qu'un tel être a pu effectivement voir le jour. Quel plaisir pour moi de le voir sous un côté ENFIN humain !

Le film est rempli de réflexions passionnantes pour les gens qui ont un tant soit peu l'esprit ouvert. Mais ce qui compte le plus pour moi, c'est la dernière demi-heure. Jésus, mourant sur la croix, demande à son père pourquoi il l'a abandonné. Puis les nuages s'éloignent, la foule devient muette, et une jeune fille d'une pureté incroyable, se présentant comme l'ange gardien de Jésus, vient lui dire que Dieu lui a accordé sa miséricorde, comme il l'avait fait naguère à Abraham. Elle l'emmène alors vers un autre destin, celui de n'importe quel autre homme. Oublié de tous, il vit ainsi une vie "normale" avec la soeur de Lazare, lui fait des enfants et semble être heureux, bien que parfois pris par le remords d'avoir été aussi lâche.

Confronté à Saint Paul, ce dernier lui répond qu'il ne veut pas entendre parler d'un Jésus qui aurait ainsi vieilli comme chacun de nous. Il préfère précher au monde l'idée du Messie que tout le monde connaît. Son message, camouflé au maximum pour que le public obtus s'y laisse prendre, est pour moi le symbole de ce que fut le christianisme, et par là-même un grand nombre de religions : d'un côté, pour les hommes, un moyen de trouver une paix intérieure en se tournant vers un "dieu" pour expliquer son malheur ou son bonheur. D'un autre côté, pour les ecclésiastes, du moins à une époque où le christianisme était très implanté (voir l'Inquisition), un moyen de s'assurer une forme de pouvoir en profitant du laxisme des Chrétiens. Loin de moi l'idée de vouloir blâmer qui que ce soit : tous ces comportements sont humains. Mais j'ai trouvé magnifique l'idée de vouloir, pour Scorsese, illustrer cette idée d'une manière aussi délicate que possible. J'espère ne pas avoir paraphrasé son texte de travers...

Toute la fin du film me rappelle un peu Presence, le chef-d'oeuvre de Yasuomi Umezu. Un homme qui vieillit en passant sa vie à regretter ce qu'il aurait pu être s'il avait été au bout de ses aspirations. A la fin de Presence, le vieil homme meurt et part dans le lointain avec le souvenir de sa bien-aimée. Ici, c'est Jésus qui est confronté à la fin de sa vie aux Apôtres survivants, qui l'accusent d'avoir voulu échapper à son destin. Et l'ange gardien révèle sa vraie nature : c'est Satan, qui a réussi à le détourner de sa mission divine. Si les desseins de Satan me paraissent ici difficiles à expliquer (il faut dire que je n'ai guère lu la Bible), je trouve très belle la réaction de Jésus, qui s'en va implorer le pardon de son père et lui demander d'effacer son erreur. La seule concession du film à la polémique, c'est que Dieu exauce son voeu et efface cette partie "obscure" du temps en le remettant sur la croix. "Tout est accompli", comme dit Jésus. C'est à la fois beau et frustrant. Mais pour moi, ce film a réussi ce qu'aucun autre n'a réussi : me faire aimer Jésus. Pas le christianisme, mais l'homme.

A noter : le film bénéficie d'une très belle bande son exotique de Peter Gabriel (ex-Genesis).

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