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Une simple idée un peu folle de Kazufumi Nomura: réunir la crème des animateurs japonais pour créer une série de courts-métrages basés sur un seul et unique thème: les robots. Oui. Une simple idée. Mais un grand concept.
Les robots ont toujours fasciné le pays du soleil levant. L'animation japonaise a produit des dizaines voire des centaines d'oeuvres en rapport avec ces fantasmes du futur qui ont parfois plus de vie que notre imaginaire. Nous voici donc en présence d'un film vidéo de 90mn qui gagne sérieusement à être connu. Streamline Pictures a déjà fait beaucoup en le sortant en version anglaise, en K7 mais aussi sur un superbe LD qui contient également la version originale (mammamia !).
Les huit histoires qui composent Robot Carnival sont toutes des variations très différentes sur ce thème très vaste il est vrai, puisque Astro, Giant Robo, Lady (Armanoïde), les méchas de Gundam et les Super-Boomers en sont tous. Une diversité qui se retrouve largement ici: aucun rapport par exemple entre Franken no haguruma, une version du mythe de Frankenstein revisitée avec beaucoup d'humour noir par Kôji Morimoto, et Starlight Angel, ce sketch très classique de Hiroyuki Kitazumé où deux jeunes filles sont attaquées dans une fête foraine par un fantastique et terrifiant mécha géant, croisement des Boomers de Bubblegum crisis et de Mazinger Z. Même chose sur Deprive, du designer de Guyver, conçu comme devant être un parfait exemple d'un animé commercial dans le bon sens du terme, et c'est réussi avec notamment son superbe "grand méchant de l'histoire".
Si on frôle le sublime avec Cloud, qui est, plus qu'un simple dessin animé, un artbook vivant et complètement new-age (il faut le voir pour comprendre), on atteint la perfection avec Presence, de Yasuomi Umezu (vu sur les OAV de Casshan et Gatchaman), qui peut sans conteste être considéré comme le plus beau court-métrage d'animation japonais qui ait jamais été produit. Ce sketch d'à peine vingt minutes se déroule dans un univers parallèle à la Honnêamise, où un mari mal dans sa peau (sa femme, qui réussit dans les affaires, règne en maître absolu chez lui) bricole dans la forêt pour se passer le temps, et construit petit à petit une véritable poupée de porcelaine robotisée et sans nom. Sa poupée à lui. La femme qu'il a toujours rêvé d'avoir. Mais quand celle-ci prend vie, lui confie son désir de s'envoler de ses propres ailes et finit par lui avouer son amour brûlant pour lui, lui qui ne l'a pas programmée pour avoir des sentiments, il prend peur et la détruit sur le champ.
Ce n'est que bien des années plus tard qu'on le retrouvera, rongé par le remords et hanté par le fantôme de celle qu'il aurait tant aimé rejoindre. C'est enfin le jour de sa mort qu'il sera libéré de sa douleur et pourra la retrouver et l'accompagner dans la Lumière - un final superbe qui rappelle assez le chef-d'oeuvre de Jeannot Swarcz, Quelque part dans le temps. L'article entier ne suffirait pas à décrire minutieusement tous les joyaux d'invention et d'animation que renferme Presence. Certains oseront dire que les visages des personnages sont laids et ridés, mais c'est pour mieux renforcer la beauté irréelle du visage de porcelaine de la Jeune Fille qui hante les rêves de notre héros.
Robot Carnival est, à l'image de Presence où le moindre mot est lourd de sens, un film très avare en paroles, voire carrément muet sur la plupart des histoires. Peut-être pour mieux mettre en valeur la magnifique bande son rédigée entre autres par le génial Jô Hisaishi (Porco Rosso, Arion). L'ensemble est également servi par une animation exceptionnelle, qui par moments n'a rien à envier à Akira, sorti un an plus tard, et sur lequel travaillaient déjà activement quatre des auteurs de Robot Carnival (Katsuhiro Ôtomo, Atsuko Fukushima, Kôji Morimoto et Takashi Nakamura). On pourra d'ailleurs sourire en voyant apparaître Tetsuo et Akira dans Starlight Angel ! Mais si c'est votre amour d'Akira ou des méchas qui vous pousse à découvrir Robot Carnival, c'est pour sa qualité intrinsèque que vous le regarderez une deuxième fois, une troisième, une...
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