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Quelques belles photos et des fansubs chez : TechnoGirls (site très sympa !)
"Oniisama é..." ou "Très cher frère" est arrivé, presque sans prévenir, le vendredi 23 avril 1993 à 10h20 du matin sur TF1.
Cette série fut produite par la Tezuka Pro et tirée d'un magnifique manga créé en 1974 par Riyoko Ikeda, connue deux ans plus tôt pour sa superbe "Rose de Versailles". Ses trois tomes ont été réunis ces dernières années en un volume unique "deluxe". La série fut un peu réactualisée: vous avez déjà vu des ordinateurs portables en 1974 ? Et les téléphones à carte, au Japon, ça n'a démarré qu'en 1979... Elle fut diffusée au Japon sur la 2ème chaîne satellite de la NHK (en crypté, paraît-il) tous les dimanches à 18h, entre le 14 juillet 1991 et le 31 mai 1992. "Oniisama é" propose 39 épisodes, plus 6 épisodes spéciaux dont le dernier (diffusé le 31 mai) dure une heure (pubs comprises). La réalisation est du génial Osamu Dezaki, et le character-design et la direction de l'animation ont été confiés à Akio Sugino. Remarquons au passage que les profils des personnages sont tout de même proches du style de Michi Himeno dans Versailles no bara...
L'histoire se déroule de nos jours dans un éminent lycée féminin nippon. La jeune Nanako Misonoo (Emilie Lambert) a perdu son père très jeune; sa mère s'est remariée avec le professeur Misonoo et elle le considère comme son vrai père car il est très bon avec elle. Dans le premier épisode, elle fait sa rentrée dans cet établissement (Seiran gakuen, ou, dans la version française, le "collège des fontaines"), en compagnie de sa vieille amie Tomoko (Marina dans notre beau pays), et elle fait la connaissance de tout le petit monde qui gravite autour du lycée: Fukiko Ichinomiya (surnommée "Mlle Miya"), ou Clarisse en France, une très jolie blonde, présidente du "cercle de la rose" (Sorority en VO); ce club très "select" n'est composé que de demoiselles irréprochables, et le rêve de toutes les filles du lycée est d'en faire partie. Sa rivale, Rei ou Ley Asaka, une très grande femme aux longs cheveux verts, qui joue à merveille du piano et porte souvent sur elle une rose. On l'appelle en général "Saint Just de la fleur". Toutes les filles admirent sa beauté androgyne. Elle porte un magnifique bracelet qui lui aurait été offert par Fukiko. Une personne ayant le manga m'a affirmé que la raison de son différend avec Miya est... un baiser échangé voici longtemps entre elles et qui les a toutes deux choquées ! Saint Just est en fait la fille illégitime du père de Fukiko, et celle-ci déteste sa demi-soeur parce qu'elle est le symbole de l'infidélité de son paternel envers sa mère...
Kaoru Orihara, quant à elle, est le capitaine de l'équipe de basket-ball du lycée. Malgré la différence d'âge, elle va se lier d'amitié avec Nanako. On l'appelle "la souveraine Kaoru", comme ce général du "Genji monogatari" ("le dit du Genji") dont le corps dégageait un parfum envoûtant... Elle est d'un naturel très franc. En France, c'est Danielle Gallion, ou "la capitaine", tout bêtement. On nous précise qu'elle a eu un grave accident mais que son courage lui a permis de s'en sortir, et qu'elle est la fille d'un général, ce dont je doute un peu, toutefois. En fait, dans le manga, on apprend vers la fin qu'elle a subi une ablation des seins à la suite d'un cancer, mais qu'elle avait eu des métastases et qu'elle était condamnée. Elle aura juste le temps d'épouser son grand amour, Takehiko, avant de mourir à ses côtés en Allemagne, deux ans après la fin de l'histoire. Mais dans l'animé, la fin est plus optimiste puisqu'elle aura un enfant de lui et guérira miraculeusement...
Aya Misaki (Prisca Chardonnier en France) méprise Nanako depuis que celle-ci est entrée dans le Sorority Club alors que c'était elle qui avait toutes les chances d'en faire partie. Son père qui est avocat lui a permis d'apprendre tous les secrets de sa rivale... Comme elle est vilaine !!! Fukiko a fait rentrer Nanako dans le Sorority afin d'attirer les bonnes grâces de son protecteur, dont elle est follement amoureuse...
Enfin, Mariko Shinobu est aussi une camarade de classe de Nanako. Elle se fait remarquer dans le premier épisode en abordant notre héroïne d'une façon peu commune et un brin audacieuse ! Elle a un corps bien plus effémininé que les autres, mais pourtant c'est aussi elle qui a le plus l'air lesbienne... Bizarre, bizarre. En France, elle se nomme Mélanie Farrel, quelque chose comme ça.
La série s'appelle ainsi parce qu'elle nous est présentée comme une sorte de correspondance de Nanako adressée à Takehiko, alias Oniisama, son "très cher frère", un beau jeune homme qui a accepté d'être son confident, ce frère qu'elle n'a jamais eu... On apprendra par la suite (au quatrième épisode) que celui-ci est en fait son... demi-frère, issu du premier mariage de son père !
Côté casting, signalons la présence de Sumi Shimamoto (Nausicaä dans le film du même nom, Clarisse/Delphina dans Cagliostro no shiro, Vishnu dans Shurato ou Kyôko (Juliette) dans Maison Ikkoku) qui est la voix de Saint Just (aucun rapport avec la version française !), et de Mami Koyama (Shina dans Saint Seiya, Kei dans Akira) qui double Mlle Miya. Plus tard apparaîtra Miki Itô (dans le rôle de Yoshida), qui est A-ko dans Project A-ko, ou le cyborg numéro 18 dans DBZ... Kaoru est doublée par Keiko Toda, qui est Ayanosuke (dans Yôtôden), Hitomi dans Cat's eye ou Mathilda dans Gundam, mais surtout... Oscar dans le film de 1990 de "Versailles no bara" ! Comme on se retrouve. Quant à Aya, la vilaine, elle est doublée par Masako Katsuo connue pour ses prestations dans Arslân senki (Farangis), Glas no kamen (Maya Kitajima) ou encore... Samurai Troopers (Kayura). Enfin, Hiroko Kasahara prête sa voix à Nanako. Récemment, on l'a entendue dans Macross 2, où elle était la jolie chanteuse Ishtar.
Le générique japonais de début est "ôgon no utsuwa, gin no utsuwa" (instrument d'or, instrument d'argent), interprété par Satomi Takada des Fire Crackers, et celui de fin, "kimagure na yôsei" (un esprit capricieux), est chanté par Takako Nota du même groupe. Ces deux chansons sont absolument magiques, leurs mélodies sont indescriptibles et tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on ne regrette pas de les avoir entendues...
L'adaptation de "Oniisama e" semblait bien partie pour être honnête: dans le premier épisode, les voix étaient de bonne qualité (sans pour autant être fantastiques), on avait le plaisir d'entendre les voix de Kaori (de City hunter) et d'Electra (de Nadia). La censure semblait aussi absente, ainsi on put découvrir avec horreur le corps NU de l'héroïne sous sa douche...
Pourtant, cela ne dura guère. On s'aperçoit finalement que tous les personnages sont doublés par six ou sept personnes: Saint Seiya peut aller se cacher ! Quant à la censure, elle apparaît dans le cinquième épisode, et elle nous empêche de bien comprendre la relation entre Saint Just, Miya, Nanako et Mariko. Cinq minutes honteusement coupées simplement parce qu'on y voit du sang couler. C'est une grande partie de l'intérêt de la série qui s'évanouit. Dorothée est vraiment incorrigible !
Petite remarque sur le nom nippon de l'établissement: "seiran gakuen" signifie "lycée de l'orchidée bleue". Aucun rapport avec une fontaine, mais là n'est pas la question. Connaissez-vous le sens du mot "orchidée" dans le langage des fleurs ? Ah, vous n'êtes pas un spécialiste de "Hana no ko Lunlun" (le tour du monde de Lydie) ? Bon. Cette fleur est tout simplement le symbole de la féminité... Le kanji (caractère chinois) "sei" qui définit la couleur bleue de l'orchidée peut aussi représenter la jeunesse et le manque d'expérience. Ma conclusion très personnelle est que cet établissement est le lycée des premiers émois sexuels, et des premiers doutes... Doutes ?
En effet, les héroïnes vivent une période de la vie où l'on cherche son identité, surtout sur ce plan précis: il n'y a pas de véritable barrière morale les empêchant de goûter au plaisir homosexuel, et ceux ou celles qui ont franchi le pas au moins une fois dans leur vie ne sont paraît-il pas si rares. (Comment ça je lis Bravo Girl ? Mais non !!) Le mouvement de "libération sexuelle" qui fait fureur dans les années 70 a fini par s'infiltrer même dans ce collège très strict... (oui, je sais, si l'on considère que la version animée se déroule de nos jours, c'est tout mon raisonnement qui tombe à l'eau !)
C'est sans doute l'illustration qu'a voulu nous donner Riyoko Ikeda en mettant ainsi en scène des demoiselles masculinisées, qui semblent donc douter de leur nature de femme. La troublante Mariko nourrit une relation très énigmatique avec Nanako; on hésite à dire si elle la considère comme une poupée (à qui elle veut apprendre à se mettre du rouge à lèvres ou du vernis à ongles!) ou comme son amante... C'est à cette situation que se retrouve confrontée la jeune héroïne, qui n'en avait, semble-t'il, jamais vécu d'analogue. Elle se réfugie vers son très cher frère (Guillaume Henri, en France, beuh !), qui la rapproche de la réalité. Il n'y a aucun élément masculin dans ce lycée sur lequel les filles puissent projeter leur amour ! "Oniisama" représente donc ce contact avec la réalité que Nanako va tout faire pour ne pas perdre. Que penser de sa relation avec son "grand frère" ? Elle prétend ne pas en être amoureuse, pourtant elle ne cesse de penser à lui. On n'a pas vu assez d'épisodes en France pour savoir quelle sera la réaction de Nanako quand elle apprendra la vérité sur son lien de parenté avec son "Oniisama".
Le principe d'ambiguïté sur les sexes n'est pas une nouveauté chez Ikeda. Bien sûr ! L'intrigue même de "la rose de Versailles" est fondée sur la condition de femme d'Oscar, transformée en homme par la volonté de son père. Faisons une petite digression sur cette série, qui nous permettra de comprendre à quel point le sujet tient Riyoko Ikeda à coeur. Oscar ne sait parfois plus dire elle-même qui elle est. Elle tente de se faire un nom en tant qu'homme, mais finit par abandonner et par accepter son amour pour André, un sentiment tout naturel mais qui lui était interdit. Pourtant, dans le manga, on a souvent l'occasion de constater qu'Oscar sait qu'elle aime André mais qu'elle en a peur: la question "qui ?" revient très souvent, et à deux reprises elle crie "mon André!!!": quand elle se retrouve face au chevalier noir ("le masque noir", en France) et s'apprête à le torturer, puis quand Fersen s'en va sauver André qui est sur le point d'être lynché par la foule. Son amour pour Axel von Fersen est facilement explicable: elle sait qu'il est impossible, et qu'elle ne pourra jamais vivre une véritable relation avec lui. Par contre, la peur l'empêche d'aimer ouvertement André !
Redevenue femme, Oscar peut tenter de refaire sa vie, mais le destin l'en empêchera: André est tué devant ses yeux, et elle-même ne lui survivra pas; abattue lors de la prise de la Bastille, elle rejoindra son tendre amant pour l'éternité... Le succès gigantesque de "la rose de Versailles" en manga est certainement dû en grande partie à ce personnage d'Oscar, imprévisible à souhait. C'est sans doute à cause de cette réussite totale dans la conception d'un personnage que Riyoko Ikeda a choisi de la faire revivre le temps d'un manga, dans la peau de Saint Just... Même physique, même caractère, même style (elle ne porte que des vêtements masculins) et même destin... Regardez-là jouer à la perfection du piano (l'instrument fétiche d'Oscar dans le dessin animé) et serrer une rose entre ses lèvres dans le premier épisode, comme pour marquer cette ressemblance...
De plus, Saint Just est le nom d'un célèbre révolutionnaire qui a participé au procès de Louis XVI. Ce personnage apparaît à partir du procès de Jeanne de La Motte, dans la rose de Versailles; son nom n'est pas donné en France, mais si vous voulez vraiment le reconnaître, c'est lui qui dit avec hargne: "cet homme doit régner ou il doit mourir !", dans le dernier épisode.
L'ambiance dramatique de "Oniisama e" se rapproche parfois de celle de "la rose de Versailles", même si les personnages sont tous beaucoup plus jeunes... Ici, les ragots racontés par les élèves jalouses de Nanako remplacent les conversations "snob" entre les gens de la Cour... Ecoutez les musiques: elles ont beau ne pas être très nombreuses, elles n'en sont pas moins belles. La mélancolie latente que dégage l'oeuvre peut également se lire dans les décors et les couleurs. Regardez à ce sujet les épisodes 1 et 7 de plus près... Pour finir, avez-vous par ailleurs remarqué la ressemblance graphique entre Mlle Miya et Marie-Antoinette ? Et celle, moins prononcée, entre Kaoru et André ? On retrouve ainsi dans "Oniisama e" le trio du succès précédent de Riyoko Ikeda. Inutile de vous dire que celle-ci a atteint son but: on a parfois vraiment l'impression de voir revivre Oscar et ses amis...
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