> Articles | De la musique à l'animation... |
La musique est un maître-mot dans la conception d'un
dessin animé japonais. Plus que n'importe quel autre pays,
le Japon a saisi à quel point elle était primordiale
pour retranscrire une émotion, quelle qu'elle soit. Petit
voyage à travers un univers merveilleux...
Rares sont ceux qui connaissent bien la culture musicale japonaise. On a souvent tendance à croire que les Nippons n'écoutent que de la musique traditionnelle, mais c'est bien entendu totalement faux. Au contraire, leurs goûts musicaux correspondent plutôt bien aux nôtres. Vous n'avez jamais entendu de la techno jap ? Mais si, ça existe ! Le pays du Soleil Levant produit tous les styles musicaux, que ce soit le rock variété (TM Network, Silk, B'z), le hard-rock (X) voire le trash-metal psychédélique (Hide), le new-age (Kitarô entre autres), le classique (Seiji Yokoyama, Akira Senju), la pop' gamine (on pensera notamment au phénomène des "idols", ces jeunes filles qui sont stars le temps d'un été avec une chanson gentillette et un physique craquant), l'industriel (ils font même très très fort dans ce domaine) ou le disco (Koorogi '73 ou Godiego, prononcer Godaïgo, deux groupes qui ont travaillé pour des succès tels que Galaxy Express, Lamu ou les meilleurs D.A. de la Tôei).
Etrangement, ces styles musicaux ne sont pas autant liés à la mode que chez nous. En clair, le Japonais moyen peut passer d'un style à l'autre sans qu'on le regarde avec un air bizarre, ce qui a permis à de nombreux auteurs de faire éclater leur talent dans le domaine qui leur convenait le mieux, sans qu'ils aient forcément à s'adapter au style du moment. Et l'animation dans tout ça ? Comme vous le savez, contrairement à notre beau pays, le Japon considère que les dessins animés s'adressent à tous et non pas qu'aux enfants. Résultat, les liens entre la musique d'animation et les autres musiques sont très étroits. Les cas où des stars composent pour des dessins animés (comme Elton John pour le Roi Lion) sont beaucoup plus fréquents là-bas, et ne se cantonnent pas aux films à gros budget.
Ainsi, le groupe star TM Network, bourré de talent par ailleurs, participe régulièrement à des animés de tous les styles. Get Wild, le premier générique de fin de Nicky Larson/City hunter, c'est eux. Running to horizon, le générique de début de City hunter 3, c'est encore eux. Beyond the time, générique de fin du film Gundam Char's counterattack, c'est aussi TM Network. Tetsuya Komuro, le chanteur et accessoirement compositeur à ses moments perdus, s'est adonné sur les musiques de Carol, un OAV inspiré d'une oeuvre de Naoto Kiné, membre comme par hasard de TM Network, mais aussi, plus récemment, sur Street Fighter 2 The Movie. Oui oui, les musiques de fond sont bien de lui ! Et la liste est loin d'être finie... TM Network est sans doute le meilleur exemple de cohabitation pop/animation réussie. On pensera aussi à un chanteur presque vétéran (à 35 ans), Shin-ichi Ishihara, spécialisé dans les participations aux compilations. Alors qu'il n'a sorti personnellement que trois albums, il a enregistré plus de 5000 chansons ! Parmi celles-ci, énormément de génériques d'animation (Akai Hayaté, Blue Seed, Babil ni sei, Karura mau, Tomoé ga yuku...) ou de chansons en rapport avec des dessins animés, mais qu'on n'entend pas toujours dans ceux-ci: je pense notamment à Zetsuai et Bronze, et surtout à Dragon Ball Z, ; il fait en effet partie du fabuleux Projet Monolith et on retrouve ses chansons sur les Hit Collections 4 à 15, puis à partir du 18... On lui souhaite encore beaucoup de succès, sa voix est vraiment magique. Je citerai également un autre groupe, X. Cette bande de hard-rockeurs fous a défrayé les chroniques japonaises et lancé sur le marché quatre bombes, quatre albums foudroyants, pleins de cette vitalité qui les caractérise et surtout de ce mélange des genres qu'on ne trouve qu'au Japon. Le compositeur principal du groupe, Yoshiki, s'adonne suivant ses humeurs au hard le plus bourrin ou... au romantisme le plus larmoyant. X a révolutionné le genre au Japon, et il restera sans doute longtemps Number One dans le coeur des petits Nippons... On les retrouve dans l'animation japonaise: leurs chansons ont été choisies pour illustrer X², la série de vidéo-clips du manga X (comme par hasard !). Le résultat est effrayant de beauté. Kitarô, quant à lui, est on ne peut plus célèbre en France - pour un Japonais, je veux dire. Ses albums de musique "céleste" ont conquis notre pays, et on l'a entendu récemment au cinéma dans Entre ciel et terre, le dernier film sur le Vietnam d'Oliver Stone, dont il a signé la superbe bande son. Kitarô est lui aussi en bons termes avec l'animation japonaise: il a composé les musiques de fond de Princesse Millénium (Sennen joô), le chef-d'oeuvre inspiré de Leiji Matsumoto. Un film à voir absolument. Mais il a aussi eu dans son équipe pendant trois ans un certain Norihiro Tsuru, violoniste de formation, qui le quittera en 1988 pour d'autres projets, notamment trois génialissimes dessins animés japonais: Sanchôme no Tama, Ningyo no kizu (Mermaid's scar) et... Arslân legend. Comme quoi ! Fumio Miyashita, qui a réalisé les bandes-son du film et des OAV de Hi no tori (le phénix) d'Osamu Tezuka en 1986 et 1987, dont le style rappelle agréablement Kitarô (normal, ils se sont fréquentés et mutuellement influencés), est un transfuge des spectacles musicaux. Ainsi, son premier travail fut sur le mondialement connu Fame ! Enfin, n'oublions pas deux des plus grands compositeurs au monde. Ryûichi Sakamoto, connu pour ses travaux sur Furyo, Little Buddha, Wild Palms ou Le dernier empereur, a également signé la bande son d'un magnifique long-métrage d'animation japonais, "Aile de Honnêamise", des studios Gainax. Quant à Jô Hisaishi, cet artiste installé à Londres s'est longtemps partagé entre les musiques de films live et de dessins animés (de Julie et Stéphane à Arion en passant par Robot Carnival, Mospeada et tous les films de Miyazaki), mais il se consacre en ce moment plutôt aux films live (Sonatine de Takeshi Kitano, un fabuleux gun-fight qui casse les stéréotypes en introduisant l'humour, et dont la musique nous entête jusqu'à la fin, ou encore Samourai Kids, disponible en vidéo en France), pour ne plus faire que de rares apparitions dans l'animation japonaise (avec Porco Rosso notamment en 1992, et sans doute prochainement Mononoké himé, en 1997). Pour en revenir aux chanteurs, sachez également qu'il existe un grand nombre de doubleurs (spécialisés dans l'animation) qui, une fois connus dans le domaine, se sont lancés avec succès dans la chanson et ont conquis un public qui n'était pas forcément amateur d'animation... Je citerai par exemple les NG Five (Takeshi Kusao et Nozomu Sasaki entre autres), les Banana Fritters (Noriko Hidaka, Toshihiko Seki et Kôichi Yamadera), mais aussi Shô Hayami, Kikuko Inoué, Megumi Hayashibara ou Kotono Mitsuishi. Et deux vétérans, ayant débuté dans les années 60 et qui font partie de la culture musicale japonaise: Mitsuko Horié (qui a chanté sur Candy et Saint Seiya entre autres) et Ichirô Mizuki (inoubliable sur Albator).
Je me suis arrêté à quelques auteurs que j'aimais beaucoup, mais comme vous pouvez le constater, les exemples sont nombreux et faciles à trouver. Heureusement, d'ailleurs. La force de la musique japonaise, c'est qu'elle puise sa vitalité dans les musiques étrangères, qu'elle en tire l'essence vitale, la raison d'être, et qu'elle la réemploie à sa manière, souvent en apportant des améliorations au son. C'est ce qui a permis par exemple à Seiji Yokoyama de donner une dimension supplémentaire au spectacle qu'est Saint Seiya, en offrant à cette série une bande-son classique qui fait honneur à Beethoven, Mahler et Brückner réunis. L'animation japonaise a produit jusqu'à maintenant un nombre de CD très impressionnant: 2000 au bas mot. Parmi eux, au moins 50% sont inventifs et agréables à écouter. C'est le seul marché de l'animation au monde qui puisse se permettre de dire cela. Une qualité indéniable à ajouter sur le compte des dessins animés japonais.... Pourris, vraiment ? Hmm, pas tant que ça, finalement ! |
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