> Sanctuaire Leiji Matsumoto | Galaxy Express 999 |
Nous sommes en l'an 2221. Le voyage intergalactique n'a plus
gardé de son côté onirique qu'un semblant
de nostalgie qui transparaît dans la forme qu'ont pris les
transports en commun spatiaux de notre futur : des trains à
vapeur dignes du début de notre siècle...
Le plus connu d'entre eux est sans doute le Galaxy Express 999. Il vous emmène au coeur de la galaxie d'Andromède, sur la planète où règne la Reine Promésium, fondatrice de l'empire kikai (mécanique), qui s'étend désormais à travers l'univers entier. C'est elle qui a trouvé le moyen de donner la vie éternelle aux êtres humains, en échangeant leurs corps contre un équivalent entièrement électronique. Quiconque vient sur la planète Dai-Andromeda se voit offrir un corps mécanique gratuitement en échange du sien... C'est ce qui va pousser le jeune Tetsurô Hoshino (Teddy) à faire le voyage à bord du Galaxy Express 999, alias Ginga Tetsudô Three Nine. Issu d'une famille très pauvre, il a eu le malheur de voir sa mère mourir devant ses yeux, tuée par un comte mécanisé lors d'une chasse à l'homme, la dernière mode sur Terre. Depuis, il a juré d'obtenir lui aussi un corps mécanique plus fort que son simple corps de chair et de sang, et de pouvoir ainsi venger sa mère en tuant tous les autres êtres améliorés. Sa rencontre avec la belle et mystérieuse Maetel (Marina) va bouleverser sa vie. En effet, elle lui offre un billet de train pour Dai-Andromeda à condition qu'il la laisse voyager à ses côtés. C'est le début d'une grande aventure qui totalisera dix-huit volumes en manga (dix dans la version de luxe), 113 épisodes à la télévision, trois téléfilms et deux grandioses films de cinéma primés maintes fois. A l'origine de cette histoire, Leiji Matsumoto, auteur à la même époque du fameux Albator (Captain Harlock), personnage qui apparaîtra d'ailleurs dans les deux films de Galaxy Express malgré un anachronisme flagrant, celui-ci vivant au trentième siècle... Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, l'idée du train à vapeur voyageant dans l'immensité de l'espace n'est pas de lui, mais du célèbre romancier Kenji Miyazawa. Son roman Ginga tetsudô no yoru (la nuit du Galaxy Express) eut d'ailleurs droit lui aussi à une adaptation animée, mais pas avant 1985. Ce film d'animation, lui aussi primé, fut réalisé par Gisaburô Sugii (Théo ou la batte de la victoire, Street Fighter 2) et storyboardé par Kôichi Mashimo (The weathering continent). Mis en musique par Haruomi Hosono, ex-membre de YMO, qui participa également au magnifique Genji monogatari (encore un film d'auteur là aussi !), le film marquera surtout parce que ses personnages ont pris la forme de chats, sous l'impulsion d'une idée d'Hiroshi Masumura. Quant aux fans de Leiji Matsumoto, ils seront surpris de constater que le train est en tous points le même que dans GE999 ! Le concept de Galaxy Express ne réside de toute façon pas dans cette simple reprise. En effet, à chacune de ses étapes, le train galactique nous donne l'occasion de découvrir une nouvelle planète, et surtout... une nouvelle illustration du drame de la mécanisation. En effet, contrairement à ce que s'imagine Tetsurô, c'est pas tous les jours facile d'avoir un corps qui n'est pas le sien. A chaque fois c'est la même chose : Matsumoto décortique devant nos yeux une nouvelle raison de vouloir devenir immortel, ou simplement quitter son corps humain, puis la démolit par des arguments précis et concrets. Tout au long de son voyage, Tetsurô rencontrera ainsi des gens épris du désir de lui voler son corps humain, des vieillards partis en guerre contre les êtres mécaniques, des parents pleurant le sort de leur enfant qui a tout perdu après avoir tout fait pour s'électroniser, des jeunes qui se retrouvent parqués dans des planètes-mouroir parce qu'ils n'ont plus le sou pour s'en enfuir, et des dizaines d'autres personnes brisées par leur vie mécanique... A chaque fois, un seul constat : l'immortalité n'apporte rien, il faut vivre sa vie pleinement et accepter sa mort le jour venu. C'est parce qu'elle est courte que la vie est belle. On rejoint ici l'idée finale de Blade Runner... En visitant à chaque nouvelle planète un monde différent, tombé dans la décadence souvent à cause de l'abus d'immortalité et d'une déshumanisation progressive, on a l'impression d'assister à la naissance d'un Sliders avant son heure... La série américaine, tout fabuleuse qu'elle soit, n'a vraiment rien inventé ! Le manga de Matsumoto a remporté un grand succès dès le début de sa publication, si bien qu'il sera très vite adapté à la télévision. Le premier épisode est diffusé le 14 septembre 1978 et la série, produite par la Tôei et réalisée par Nobutaka Nishizawa (Slam Dunk, Fly, Les cygnes sauvages), se révèle assez fidèle au manga. Elle se permet toutefois d'ajouter de nombreux épisodes de remplissage dont certains sont de qualité (l'ère de DBZ était encore loin !), et d'édulcorer quelque peu les scènes coquines du manga, Maetel semblant prendre un malin plaisir à se déshabiller pour la moindre raison quelconque. De plus, dans les histoires originales, Matsumoto se complait à terminer une grande partie de ses épisodes en queue de poisson, histoire de renforcer l'effet de choc. Les adaptateurs auront l'idée plutôt bienvenue d'adoucir ces moments parfois vraiment très tristes. Nous n'avons pas vu plus de 37 épisodes de la série en France. Il faut dire que sa réalisation accuse le coup des années... Elle n'est guère supérieure à celle de Goldorak. Quelle déception de n'avoir jamais pu apprendre le secret de Maetel ! Quelle tristesse de n'avoir pu découvrir toutes les magnifiques histoires de Leiji Matsumoto ou entendre toutes les musiques du très inspiré Nozomu Aoki, compositeur de Ken le survivant... " Mais c'est notre lot à tous ! " 4 août 1979. Moins d'un an après ses débuts au Japon, la série se voit adjoindre un film d'animation qui fera grand bruit. Réalisé par RinTarô (Albator, Kamui), il est acclamé par la critique et le public et reste aujourd'hui une référence pour les fans de SF. C'est ici que nous sera révélé en exclusivité le secret de Maetel : c'est la fille de Promésium ! Le film est à lui seul un résumé complet du manga, et sa fin partage de nombreux points communs avec celle de la série TV, diffusée un an et demi plus tard. Pour en savoir plus, vous pouvez vous procurer d'urgence la version française, puisque ce même film est passé au cinéma dans le cadre du cycle Cinémanga, en version sous-titrée. Malgré un design un peu archaïque et une animation qui déçoit un peu pour un film d'animation, Galaxy Express n'a rien perdu de son charme et de sa grandeur... D'ailleurs les spectateurs ne s'y sont pas trompés. Retour au Japon. Pendant ce temps, la série TV suit son petit bonhomme de chemin. Après le succès du film, on comprit qu'on pouvait prendre quelques risques avec elle. Ainsi, trois histoires eurent tellement de succès qu'elle eurent droit à un traitement de faveur rarissimes. On les transforma en téléfilms en y ajoutant des scènes supplémentaires ou en reprenant tout à zéro. Les épisodes starifiés furent Le guerrier de pierre (épisodes 12 et 13, transformés en un téléfilm de 92mn), Le vaisseau pirate Queen Emeraldas (l'épisode 22, qui mettait en scène une célèbre amie de Maetel, Emeraldas, et qui deviendra un spécial de 40mn), et enfin la très émouvante histoire d'Artémis dans l'épisode 51, qui reste inédit en France, et qui a eu droit à une version longue d'une heure et demi. Aujourd'hui, il devient possible de se procurer facilement ces trois films puisqu'ils ont été édités en laser-disc en automne 1996 pour à peine cinq mille yens. Il y a un temps pour tout, et celui de Galaxy Express se termine en 1981, avec tout d'abord une conclusion magnifique à la série télévisée, la préférée de votre serviteur. Dans l'épisode 112, Tetsurô arrive enfin sur la planète de ses rêves, appelée ici Planète Promésium. Là-bas, on lui donne une journée pour choisir s'il veut rester humain ou changer de corps. On le confie à Mirai, une jeune femme qui est censé l'aider à choisir son destin (ou plutôt l'influencer !), et on lui montre une sorte de " vitrine commerciale ", vantant le bonheur évident des êtres mécaniques. Mais manque de chance, l'un d'eux craque et se suicide en face de lui. Il lui fait comprendre que tout cela n'était qu'un stratagème pour le convaincre de devenir comme eux... Le seul désir de Promésium est d'étendre son empire à l'univers entier, et sa meilleure arme est la volonté. La volonté de jeunes gens courageux comme Tetsurô qui ont été dénichés par sa fille Maetel et amenés sur sa planète pour en faire des soldats prêts à tout pour convaincre à leur tour les habitants des planètes réticentes à entrer dans l'empire kikai, dûssent-ils lever les armes pour ce faire... Horrifié par l'idée que Maetel ait pu lui mentir pendant tout ce temps, Tetsurô ne peut que se rebeller... Dans le tout dernier épisode, Maetel finira par choisir de se joindre définitivement à son jeune ami pour détruire cet empire dominé par une mère autrefois bonne et généreuse mais qui a bien changé depuis qu'elle a découvert le pouvoir... Maetel sera aidée par son pendentif, qui contenait en fait l'âme du Dr. Ban, son père, lui aussi rebellé contre son ancienne épouse. L'ayant récupéré grâce au sacrifice de Mirai, elle pourra le lancer en plein coeur de la planète Promésium pour que son père se charge de la détruire peu après l'évasion de nos amis. Bouleversée par la mort de sa mère, qu'elle aimait toujours malgré son revirement, Maetel se précipitera pour la première fois dans les bras de... Tetsurô. Avant de repartir peu après pour un nouveau voyage vers l'infini en compagnie d'un autre petit garçon, non sans lui avoir fait comprendre à travers une lettre à quel point elle a aimé l'enfant et le chérira toujours... Mais le destin de Maetel passe avant tout. Puis vint le second film... Plus mûr, plus éblouissant encore, il est également mieux animé, mieux dessiné et plus émouvant que le premier. La bande son n'est plus signée Nozomu Aoki mais Osamu Shôji, talentueux compositeur des films de Cobra et de La cité interdite. En dehors d'Aoki, l'équipe de réalisation est restée la même. Ce film, sorti le 1er août 1981 est la suite directe du premier, à la fin duquel Tetsurô retournait sur Terre. Cette fois-ci, il a bien grandi et il se bat aux côtés d'autres humains contre les êtres mécaniques. Mais un message de Maetel l'invite à monter à nouveau à bord du Galaxy Express. Elle le rejoindra en cours de route sur la planète Heavy Meldar (également très importante dans l'histoire d'Albator)... La Promésium qu'ils avaient vaincue sur la planète Maetel n'était en fait qu'un androïde guidé par l'âme de la mère de Maetel. Ils devront donc se rendre sur la véritable planète Dai-Andromeda, afin d'anéantir définitivement ses ambitions. Dans ce pur chef-d'oeuvre, pourtant moins apprécié de la critique et du public, peut-être à cause de son hermétisme relatif, Tetsurô sera notamment confronté à son père Faust, qui a vendu son âme à l'empire kikai mais a gardé son honneur comme le constatera à la fin notre cher Capitaine Harlock. Le scénario exceptionnel de ce film bourré d'idées nous permet notamment de découvrir une nouvelle raison à la folie de la mère de Maetel, peut-être plus crédible qu'une simple envie d'étendre son empire. Notons pour l'anecdote qu'après avoir constaté dans un épisode de la série télé que le très attachant contrôleur du train n'avait pas de corps, on découvre enfin la raison de cette anomalie : ne sachant pas choisir entre les avantages de son corps humain et d'un corps mécanique, il a fini par craquer et choisir l'abstinence totale ! Un sacré petit bonhomme... Terminons sur une note positive : un troisième film est en projet, il devrait sortir selon des proches de Leiji Matsumoto pour le 9 septembre 1997, autrement dit Heisei an 9, mois 9, jour 9. Un jour idéal pour Galaxy Express 999... L'attente sera difficile ! Enfin, le manga de Ginga Tetsudô se terminera en octobre 1981. Une fin malheureusement très décevante pour ce travail de très longue haleine de Leiji Matsumoto. Dégoûté par l'idée de devenir un homme mécanique, Tetsurô finit par refuser de se choisir un nouveau corps. Mais il n'a plus le choix et c'est Promésium qui va choisir son nouveau corps à sa place. Il deviendra un écrou sur le creuset géant qui, tout comme dans le second film, permet de transformer l'esprit des gens venus chercher un corps mécanique en énergie pure... Mais un coup de rayon laser bien placé permettra de détruire cette machine monstrueuse et de mettre un terme définitif aux ambitions de Promésium et de son empire démoniaque. Avant de se séparer de son protégé, Maetel lui proposera de lui montrer ce qu'était son vrai corps, ce qu'il refusera. Oui, Tetsurô a bien muri : pour lui, la pureté de son âme est désormais plus importante que l'apparence corporelle... Qu'elle soit de chair et de sang, ou un simple assemblage d'électronique. Galaxy Express est plus qu'une leçon d'humanité. C'est avant tout une leçon d'amour. Amour envers les êtres humains, fragiles et mortels. Mais aussi et surtout amour maternel. Le nom Maetel a beau être tiré du nom de l'écrivain français Maurice Maeterlinck, on n'en pensera pas moins qu'il rappelle étrangement le mot latin maeter qui signifie mère... Une Maetel qui se comporte exactement comme telle, et apporte énormément à notre Tetsurô. D'ailleurs, elle est doublée par la spécialiste des rôles maternels, Masako Ikeda. Voyez à ce sujet Miyu, Devilman, Harmagedon, Silent Möbius, Kamui, Neko Neko Fantasia ou encore Terra e !! Son rôle, comme elle le dit si bien, est d'accompagner les êtres dans leur enfance, et de rester éternellement dans leurs souvenirs... Pourtant, elle reviendra dans la vie de Tetsurô... En effet, quelques années après sa séparation, elle partira à sa recherche sur la planète Terre, pour l'emmener à nouveau dans un voyage vers l'énigmatique Eternal... Dans quel but ? Maetel n'en a toujours pas dit mot... Créée avant tout comme un remake à la série qui fit une grande partie du succès de Leiji Matsumoto, cette suite à Galaxy Express, qui porte d'ailleurs simplement le même nom, nous présente un Tetsurô qui n'a pas bougé d'un poil malgré les années. Mais on pourra en dire autant de l'envie de Matsumoto de nous faire partager son amour des hommes et de l'innocence de l'enfance... |
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