> Articles Vivre ! L'inéluctable vie...

Le Japon est vu par les Occidentaux comme le pays qui s'est relevé de sa défaite de la Deuxième Guerre et qui a réussi à devenir l'une des premières puissances mondiales... Il a un secret. Une masse humaine qui depuis des temps ancestraux a toujours hérité du même idéal : l'humanité doit progresser, à travers la réussite de chacun, mais surtout au service des autres. Ce n'est pas une question d'altruisme. Simplement une conscience commune.

En France, chacun tente de vivre sa vie le mieux qu'il peut. L'ambition du pouvoir. Nous essayons d'aller au bout de nos plaisirs. Le Japon n'est pas si différent, mais, peut-être à cause de son tempérament bouddhiste, il a compris que derrière tout ça, on essaye de laisser une trace. Laisser quelque chose de soi après la mort. C'est la peur de la mort qui nous insuffle notre envie de vivre pleinement.

Pourquoi vivre, alors que la mort est inéluctable ? Voyons les choses en face : la religion n'est qu'un refuge pour les hommes, un moyen de se dire qu'au delà de la mort, ils continueront à vivre. Ici-bas, la chrétienté nous apprend qu'en faisant le bien, nous irons au Paradis et que nous y retrouverons nos amis pour vivre heureux éternellement. Là-bas, le bouddhisme se rapproche plus, de par sa conception de la réincarnation, de l'idée selon laquelle notre âme ne nous appartient que pour le temps de notre vie. Personne ne peut savoir ce qu'il adviendra de nos souvenirs, de notre conscience propre. La méditation est peut-être un moyen pour les hommes d'accepter l'idée qu'il ne restera plus rien de ces souvenirs à leur mort, qu'ils retournent dans la masse globale, dans l'âme de la Terre. Une âme décrite dans l'oeuvre d'Osamu Tezuka, furtivement dans son Phoenix 2772, où l'on voit notre planète mourir devant les yeux du héros, et son " âme " quitter l'enveloppe terrestre. Une âme qui symbolise la notion de vie sur Terre. Une âme qui englobe les hommes, les animaux, les plantes, l'atmosphère. Chaque chose vit, et l'homme se doit de respecter les autres.

Quel intérêt de vivre, si l'on doit oublier ? Avez-vous jamais imaginé la souffrance que doit ressentir un amnésique conscient qu'il a eu une vie avant son réveil ? Conscient qu'il ne pourra peut-être jamais s'en rappeler ? En France, la religion se voile la face et préfère dire aux faibles qu'ils n'ont pas de souci à se faire. Loin de moi l'idée de blâmer qui que ce soit. Les règles établies sont nécessaires pour la survie mentale de tout un chacun. Sans religion, l'Homme serait resté au rang d'animal préhistorique, vivant uniquement d'après son instinct. La loi du plus fort.

La religion permet aux plus faibles de survivre. Aujourd'hui tout le monde a le droit, et peut se permettre, de laisser une trace. Et il ne faut pas gâcher cette chance. Comme disait le grand Chaplin dans ses Feux de la rampe, " Il y a une chose plus inéluctable que la mort... C'est la vie. "

Vivons. Vivons et laissons une trace. Sans empiéter sur la liberté des autres. La religion chrétienne s'arrête à peu de choses près ici. Le bouddhisme nous éclaire sur la suite. Laisser une trace, c'est permettre à l'humanité d'imposer progressivement sa place dans le monde. De survivre en tant qu'entité. De ne pas sombrer dans l'oubli, elle aussi. C'est aussi la raison pour laquelle on fait des enfants... Sans enfants, pas d'avenir. Plus personne pour dire aux autres que vous avez été là, que vous n'avez pas été inutile pour la société. Quoi de pire que de mourir en pensant qu'on a été un parasite pour les autres ?

Voilà pourquoi le Japon s'est si rapidement relevé. Touché au plus profond de son amour-propre, il a prouvé au reste du monde sa valeur en s'unissant pour transformer le pays en véritable être vivant. L'union fait la force...

Ne nous méprenons pas sur le sens de cette idée. Les Japonais n'ont jamais cessé de célébrer l'ambition individuelle, au contraire. Mais elle est toujours détournée pour endosser un rôle plus global... Ainsi, dans des oeuvres telles que Ashita no Joe (un célèbre manga de boxe) et Captain Tsubasa (Olive et Tom, le fameux dessin animé de football), la combativité de Joe Yabuki et de Tsubasa ne sont plus à démontrer. Ils cherchent à atteindre le sommet. A devenir des étoiles. C'est leur sens de l'honneur qui les empêche d'accepter l'idée de perdre.

Un sens de l'honneur qui est d'ailleurs à l'origine de nombre de suicides au Japon. On en revient à l'idée originelle : le Japonais qui n'arrive pas à prouver au monde sa valeur est considéré comme un parasite et doit mettre fin à ses jours immédiatement. Ce discours n'est heureusement plus autant valable aujourd'hui (la nouvelle génération en a soupé des leçons de ses aînés, et on la comprend !), mais il montre bien la conception de la progression selon un peuple aussi différent sur le plan culturel et religieux.

On retrouve d'autres bribes de combativité dans des oeuvres comme Dragon Ball Z ou surtout Saint Seiya. Dans DBZ, c'est Gokû qui veut toujours s'attaquer à plus fort que lui, afin de progresser. Le personne de Végéta conforte le lecteur dans cet esprit, puisque la seule raison apparente pour laquelle il a fini par se joindre au héros est qu'il veut lui prouver qu'il est et reste meilleur que lui... Il finira pourtant par admettre vers la fin du manga son infériorité. On peut aller jusqu'au bout de soi-même, mais au delà, même un extra-terrestre ne peut rien faire... et doit s'avouer vaincu lui aussi. Dans Saint Seiya, le concept est encore plus visible. Des jeunes enfants qui s'attaquent même aux dieux ! Autant d'idéaux qui tentent de montrer aux enfants plantés devant leur télévision qu'avec un peu de courage on peut arriver à concrétiser ses rêves...

Le Japon a réalisé le sien depuis longtemps...

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