> Articles Les OAV érotiques au Japon

Naaaaan, il n'y a pas que Ogenki clinic et ses poitrines cauchemardesques dans la vie des otaku abandonnés des filles. Encore heureux. Et même si vous n'aimez pas les dessins animés plus esthétiques comme Sensualist, le Japon nous propose depuis les années 60 un large choix d'animation érotique (il y en a pour tous les goûts), largement épaulée par l'apparition des OAV, support efficace puisque réservé à la vente, donc moins exposé à la censure...

Tezuka, le créateur du manga moderne, du shôjo manga, de l'animation moderne, du manga adulte et du sandwich au salami, est aussi à l'origine du dessin animé érotique japonais. Eh voui. A la fin des années 60, il lance ainsi sa version de la vie de Cléopatre, plutôt coquine et assez laide, mais la voie était ouverte... C'est toujours de ses studios que sort, en 1972, Kanashimi no Belladonna, film diffusé en France (et rediffusé à la Biennale d'Orléans).

Ces quelques films d'animation érotiques étaient vraiment une exception dans le paysage de l'animation japonaise. Tout le paysage ? Non, car en 1984, une petite société fait de la résistance. Fairy Dust découvre le marché naissant et fructueux de l'OAV (né au début de cette année), et profite de ce support pour imposer un concept, celui de l'animation érotique vendue aux connaisseurs de plus de 18 ans. C'est ainsi que naît la légendaire série des Cream Lemon, qui totalisera plus de 30 épisodes de qualité assez variable, mais en général très honorable.

Le Lemon du titre fait référence à la symbolique du fruit: au Japon, il représente les premiers émois sexuels. Et il faut dire que les demoiselles présentées ici sortent rarement d'une maison de retraite. Au fil des épisodes on nous présente des délires des auteurs, des parodies de dessins animés (Dirty Pair, Emi magique, Cynthia...), des histoires d'horreur (Dark, un épisode spécial) ou dramatiques, etc. Il y a vraiment de tout, même des séquences romantiques à faire pleurer les amateurs de shôjo manga (Summer wind)... De temps en temps, on retrouve de nouveaux épisodes de la série consacrée à l'adorable Ami, la toute première héroïne des Cream Lemon, qui fut initiée dans le premier épisode par son frère adoptif...

Pour l'anecdote, on notera que les Espagnols ont diffusé trois épisodes de Cream Lemon dans une version incroyable qui utilise en tout et pour tout deux doubleurs (pour au moins cinq ou six fois plus de personnages !!), absolument nuls qui plus est. Toutes les scènes trafiquées à la mosaïque ont été remplacés par des gros plans de sexes animés "maison" (!!!), le tout méritant d'être vu pour l'éclat de rire, et surtout pour le sketch Living Shadows, un des meilleurs Cream Lemon qui soient, un véritable bijou d'animation sur tous les plans. Ces trois épisodes ont été édités en France par Kooki Vidéo, dans une version que je n'ai pas eu l'occasion de voir.

Les Japonais n'ont pas mieux fait pour massacrer Cream Lemon. Ils ont eu l'idée un peu ridicule de ressortir la série sous le nom Cream Lemon Junior, dans des versions raccourcies de 10mn. Pour des volumes de 25mn, ça fait beaucoup... La série passe alors de la catégorie "hard gentil" à celle de "soft très gogol". Quand on n'a pas vu l'original, c'est adorable, mais quand on l'a vu on hurle son mécontentement. Surtout qu'il n'y a pas de quoi être choqué dans les version longues...

Parallèlement aux Cream Lemon, qui ont marqué les années 80, le marché de l'OAV érotique nous a offert beaucoup d'autres dessins animés, bien sûr. Parmi ceux-ci, une daube tellement monstrueuse qu'il est important de la mentionner. David no hoshi a été entièrement écrit et réalisé par deux autruches et un ornithorynque. On leur pardonnera donc le graphisme et l'animation, de loin sans égal dans la laideur. Mais pas le scénario, qui lui vous donnera envie d'exploser votre télé: ce n'est qu'humiliation pour la femme, on ne la prend plus pour un objet mais pour un sac-poubelle. Sans doute le plus mauvais dessin animé de tous les temps, toutes nations et toutes races d'animaux comprises.

Dans le genre musclé, vous avez aussi Violence Jack, de l'auteur de Goldorak, qui fera passer ce dernier pour un shôjo manga. Le sexe s'y mélange avec raffinement au gore le plus complet: dans une des séquences, un loubard homo retrouve son ami décapité et, inconsolable, décide alors de le manger pour son petit déjeuner, ce qu'il fera. Bon appétit. Je n'ai jamais voulu en voir la suite. Rassurez-vous, je vous ai donné les deux plus mauvais exemples. Urotsukidôji, lui, même s'il ne vole pas beaucoup plus haut, est suffisamment digne d'intérêt pour avoir été diffusé dans le monde entier avec le succès qu'on lui connaît. A voir absolument: la vraie version longue (2h15) du film, constituée des trois premiers volumes de l'OAV, et qui arrache un max. Jubilatoire. On se souviendra aussi de l'OAV 5, dont les dix dernières minutes sont un monument d'émotion et d'amour perdu. Un gramme de beauté dans un monde de brutes...

On trouvera aussi des OAV qui mêlent l'érotisme à d'autres genres. Guy est un excellent remontant en deux épisodes qui vous emmènera dans les aventures mouvementées d'un jeune Apollon qui se transforme à volonté en monstroïde bien baveux, flanqué de sa copine très dévêtue (à croire que dans l'espace il fait toujours 40° à l'ombre) et régulièrement déflorée dans l'animé. Le tout est magnifiquement dessiné par Yorihisa Uchida (Metal Jack), un génie de la même école artistique que Masami Ôbari (Fatal Fury, génériques de Rayearth et Macross 2). Notons qu'Uchida a également signé le design de Riyon Flair Densetsu, OAV érotique au budget plus maigre, tout comme le scénario malheureusement qui exploite trop mal le filon de l'heroic-fantasy. Quant à Guy, on le trouvera en VO sous-titrée anglais chez AD Vision. Je vous recommande le deuxième épisode, plus soft et beaucoup mieux dessiné. Gloups !

Depuis 1992, une nouvelle société a émergé et créé un véritable raz-de-marée dans le marché de l'édition érotique. Pink Pineapple a pris le problème par l'autre bout en privilégiant la qualité. Scénarii soignés, réalisation parfaite et ambiance originale sont au rendez-vous de tous les dessins animés produits par la jeune société. Dôkyûsei, adapté d'un célèbre et excellent jeu vidéo (qui arrivera bientôt en France sur PC grâce à Samourai Editions), fut diffusé aux USA chez AD Vision sous le titre End of summer. Résultat: une heure d'enchantement, avec un graphisme très fidèle à l'original, des couleurs puissantes (ah, l'été !) et une bande son classique très adaptée à l'action, ou plutôt à l'absence si reposante d'action. C'est beau, plein d'amour et ça suffit pour faire craquer les fans pour Pink Pineapple.

On aura aussi droit par la suite à Rei Rei, tiré du génial manga de Toshimitsu Shimizu, mais surtout à deux séries légendaires d'Itoyoko et U-jin, Dragon Pink et Shin Angel. Deux oeuvres qui sont actuellement diffusées par Katsumi Vidéo, en contrat avec Pink Pineapple pour la diffusion de tous leurs produits. Fait amusant: Pink Pineapple travaille beaucoup avec AIC (Bubbblegum Crisis), studio qui fait partie du même groupe que Fairy Dust... Comme on se retrouve !

Le renouvellement du dessin animé érotique est donc bel et bien assuré au pays du Soleil Levant. A nous, maintenant, de savoir consommer les nouveautés à venir avec plaisir... et modération ! (Qui a dit que ça rendait sourd, déjà ?)

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