> Sanctuaire Hong Kong John Woo, l'ultime Gun Dream ?

John Woo
Né en 1948 à Canton, adulé et pris en exemple par des noms tels que Martin Scorcese, Quentin Tarantino ou Christophe Gans, John Woo a construit sa réputation sur une vingtaine de films réalisés depuis 1973, mais surtout, depuis 1986, grâce à des chefs-d'oeuvre tels que The Killer (diffusé au cinéma au printemps 1995), mais aussi Une balle dans la tête, A toute épreuve et Le syndicat du crime, tous trois diffusés sur Canal+ fin octobre 1995. Je passerai sous silence son Chasse à l'homme, qui faisait un peu pitié à côté dans ce cycle John Woo...

Woo est malheureusement trop méconnu du grand public. Considéré à juste titre comme le meilleur metteur en scène de films d'action qui soit, il ne multiplie les cascades et effets de montage d'un dynamisme exemplaire que pour lier entre elles des scènes mémorables oscillant entre beauté et mélancolie pessimiste... Il est l'un des rares à oser ne créer des personnages vraiment attachants que pour leur faire subir les pires supplices dans des épilogues aussi choquants que grandioses. Tout cela pour une juste cause: la transmission de sa philosophie... On ne fait pas toujours ce que l'on veut dans la vie, mais l'important c'est d'être fidèle à ses convictions, selon lui.

Danny Lee et Chow Yun-Fat dans The Killer
Il pose ainsi une grande question, qui revient dans chacun de ses films (comme de nombreux autres éléments auxquels il semble très attaché): la vraie amitié vient-elle du partage des expériences de la vie ou d'une vision commune du sens de l'existence ? John Woo, lui, sait très bien que chacun a en soi une part de Bien et de Mal, et que l'important est de savoir maîtriser l'équilibre entre les deux. A vous de voir si vous êtes d'accord en regardant de plus près ses chefs-d'oeuvre, ou tout au moins en lisant les quelques articles qui constitueront petit à petit mon Temple John Woo personnel. Et j'espère qu'au terme de ce voyage, vous serez aussi fous que moi de ces immenses acteurs que sont Chow Yun Fat, Jacky Cheung ou Tony Leung.

Filmographie sélective

Il a débuté dans les années 70 en tant qu'assistant-réalisateur, puis a commencé à tourner ses propres films dans la deuxième moitié de la décennie. Dans les années 80, il se fait de plus en plus remarquer. Le producteur Tsui Hark (Histoires de fantômes chinois) lui fait confiance et lui offre son soutien pour réaliser son premier vrai film personnel, premier hymne à l'amitié, A better tomorrow (Le syndicat du crime), en 1986. Succès immense à Hong Kong : deux stars sont révélées au grand jour, John WOO et son acteur fétiche CHOW Yun-Fat. Une suite sera réalisée à ce chef-d'oeuvre, mais elle est beaucoup plus commerciale et ne soutient pas la comparaison malgré quelques bonnes scènes.

En 1989, rebelotte. Woo nous pond son hommage personnel au Samouraï de Melville, The Killer (The Killer). Nouveau carton pour le désormais célèbre duo, et reconnaissance internationale en marche. Il faut dire que ce chef-d'oeuvre absolu propose l'une des fins les plus noires jamais filmées... Une fin qui m'a choqué comme jamais avant.

Bullet in the head (Une balle dans la tête), sorti en 1990, est le film préféré de John Woo - et de l'auteur de cet article. Comment créer une déchirure intense et traumatisante dans un trio d'amis inséparables en une leçon, sur fond de guerre du Vietnam. Une vraie claque pour les cinéphiles, un nouvel instant d'émotion pure qui nous fait découvrir deux grands acteurs, Tony Leung et surtout Jacky Cheung, qui nous livre ici un rôle sidérant de maîtrise.

L'année suivante sera l'année Once a thief (j'ai oublié le titre français, absolument ridicule de toute façon), une comédie d'action qui reste dans le style John Woo, mais ne fait pas une grande place à l'émotion... Le code d'honneur John Woo serait-il bafoué ?

Que nenni, puisqu'il embraye avec brio en 1992 sur Hard Boiled (A toute épreuve), son film d'action le plus abouti, joué sur un rythme infernal, avec un scénario en béton et des acteurs au coeur d'or (Chow Yun-Fat, Tony Leung). Malgré une présence moins marquée des sentiments dans ce film, on n'en sort pas moins ému par la beauté des scènes, des dialogues, des musiques et de l'histoire.

L'année suivante, John Woo passe à l'ennemi et émigre aux Etats-Unis. Là-bas, il met de l'eau dans son vin et nous pond en 1993 ou 94 un affreux Hard Target (Chasse à l'homme), avec en rôle-titre le non-moins abominable Jean-Claude Van Damme (dont c'était tout de même le meilleur film, et le meilleur rôle, depuis ses débuts), et un scénario au déroulement des plus téléphonés. Quelques bonnes scènes mélangées à la sauce action américaine ne suffiront pas à nous empêcher de regretter la bonne vieille époque de Hong Kong...

Et ce n'est pas Broken Arrow (Broken Arrow, avec John Travolta et Christian Slater) qui me contredira... Son dernier film, disponible en vidéo en France depuis fin 96 (tiens, en même temps que Once a thief, merci les opérations commerciales), est paraît-il tout autant rempli de compromis entre l'art visuel de John Woo et le plein d'action réclamé par les majors... Dieu ait son âme.

Pourtant, John Woo a mis plus de quinze ans avant de réaliser son premier grand film, A better tomorrow. Durant ces quinze ans, il a exécuté les ordres de ses patrons en tournant des films sans âme, alors qu'il rêvait secrètement de réaliser ses futurs grands projets. Gageons que Woo nous réserve encore quelques bonnes surprises, qu'il saura nous dévoiler au moment où le public américain aura fini par l'accepter complètement...

Autre voyage...

Dossier John Woo (Sabotage): Excellent ! Une liste de ses films, une biographie et surtout une formidable interview doublée d'une magnifique réflexion du maître lui-même sur la violence...

Cyber Namida est le fruit de la passion de René-Gilles Deberdt. Tous droits réservés.