> Articles Maison Ikkoku, Introduction à l'amour...

Juliette, je t'aime... Une déclaration si simple à faire... Et pourtant... Ces quelques mots, Yûsaku Godai (Hugo Dufour), le héros de Maison Ikkoku, mettra bien longtemps avant de pouvoir les prononcer à sa bien aimée Kyôko Otonashi (Juliette Rosier).

Tout a commencé lorsqu'un beau jour, Yûsaku, étudiant peu chanceux dans ses derniers projets, a fait la connaissance de la nouvelle responsable de la Pension des Mimosas (ou Maison Ikkoku), où il partage son existence avec de joyeux lurons fêtards tels qu'Ichinosé (la grosse et adorable Pauline), Akémi (Charlotte, la rousse sexy qui se balade à moitié nue) ou encore Yotsuya, alias Stéphane, le sombre jeune homme qui aime à cultiver le mystère autour de son identité et de ses activités. Que de travail en perspective pour notre pauvre Kyôko, qui se serait bien passée de ces nouveaux problèmes : elle a encore du mal à oublier la mort de son mari, Sôichirô, qu'elle avait connu au lycée alors qu'il était son professeur. Elle a même donné son nom au chien qu'ils avaient adopté tous les deux, ce qui nous vaudra bien des quiproquos par la suite...

Godai est tombé fou amoureux, dès le premier regard. Mais Kyôko est son premier amour, vous savez, celui qui reste ancré jusqu'à la mort, et il ne peut que respecter d'autant plus les sentiments de sa bien-aimée, qui ne peut oublier Sôichirô... Seule solution: s'imposer petit à petit comme un ami, comme un confident pour elle... Difficile, surtout quand on s'aperçoit que Kyôko est une femme très indépendante. Hantée par ce souvenir, elle ne peut que fuir les hommes. La pauvre, elle qui est fermement courtisée par le séduisant Shun Mitaka (François), professeur de tennis de son état, victime d'une aversion pour les chiens d'autant plus étonnante qu'il finira par épouser une adorable amie de ces petites bêtes qui prend un malin plaisir à les adopter par paquets de vingt...

Mais nous n'en sommes pas là. Shun jouera le rôle du parfait rival de Godai tout au long de la série, qui durera tout de même 96 épisodes - et 3000 pages de BD étalées sur quinze volumes totalement indispensables, bien entendu ! Les anglophones pourront également se payer la série en anglais (elle paraît chez Viz), que ce soit en manga ou en vidéo. Sur la longueur, on se rend compte que tout l'intérêt de la série repose sur les relations très ambiguës qui unissent les divers personnages principaux. Tel épisode tournera autour des études de Yûsaku, tel autre sera consacré aux déboires du fils d'Ichinosé avec ses parents, et un autre nous montrera toute la bande s'unir dans une désopilante course à la montre pour découvrir le " secret " des activités de Yotsuya... Kyôko allant même jusqu'à se déguiser en mère de famille ! Un comble.

C'est sans doute là que réside le secret du succès de Rumiko Takahashi : elle passe du registre émotion à des séquences humoristiques avec un semi-réalisme qui force l'admiration - et le fou-rire. Mais elle sait exactement à quel moment il faut qu'elle nous fasse revenir sur Terre. En fait, on a un peu la même formule que dans son premier chef-d'oeuvre, Lamu, en inversant le dosage humour-émotion - on passe tout de même de la comédie fantastique au dessin animé romantique... Les fans de Maison Ikkoku se jetteront d'ailleurs avec grand plaisir sur les bien plus sérieux films 2 et surtout 3 (Remember my love) de Lamu, le second opus, Beautiful Dreamer, étant disponible en français...

Une nouvelle fois, il faut admettre également qu'une grande partie de la qualité de la série TV (qui remportera un grand succès au Japon entre 1986 et 1988, puis en France à partir de 1988) est dûe à l'équipe qui l'a mise au point. On retrouvera successivement Kazuo Yamazaki (Wind named Amnesia, Réincarnations), Takashi Annô (Vanessa ou la magie des rêves) puis Naoyuki Yoshinaga (Patlabor TV) à la réalisation, mais aussi Yûji Moriyama (de Project A-ko) puis Akemi Takada (Max et compagnie) au character-design, et enfin Takuo Sugiyama puis Kenji Kawai (Miyu, Patlabor, Ghost in the shell) aux musiques. Pour la plupart mélancoliques, elles sont reconnues depuis dix ans comme étant du plus haut niveau. Une petite précision s'impose pour Takuo Sugiyama. Il porte quasiment le même nom que que Taku Sugiyama, un pionnier de l'animation qui travailla longtemps avec Osamu Tezuka. Or, il se trouve qu'un catalogue japonais de la Kadokawa attribue certains travaux musicaux de Takuo... à ce même Taku ! Je pense qu'il s'agit là d'une petite erreur, mais elle méritait d'être notée.

Le film live (voir plus loin) est lui aussi un chef-d'oeuvre du genre. Mais c'était la moindre des choses pour rendre encore plus crédible cette histoire d'autant plus touchante qu'elle vous est arrivée un jour, ou qu'elle vous arrivera... Pourtant, rares sont ceux d'entres nous pour qui elle s'est bien terminée.

Le mariage final de Godai et Kyôko vous fera alors peut-être vivre un fantasme interdit... Celui de la concrétisation du premier, du véritable amour... Celui du bonheur éternel.

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