> Sanctuaire Gainax Hideaki Anno

Portrait d'un génie de l'animation, symbole de la maîtrise absolue de l'art de la narration...

Le maitre Hideaki Anno a réussi à concrétiser un rêve d'enfant que partagent des millions d'adolescents aujourd'hui... Qui aurait pu croire que ce fana d'animation qui n'avait rien de plus que son ambition deviendrait un jour une idole aussi adulée ?

Tout au long de sa jeunesse, Anno avait pourtant montré des signes de sa différence... Né un 22 mai 1960 à Yamaguchi, il passe son temps à regarder des dessins animés, des séries et des films live de SF. Parmi eux, Ultraman (l'illustre ancêtre de Bioman), Le Prisonnier, Thunderbirds et beaucoup d'autres. Il assimile progressivement toutes leurs techniques de réalisation, et s'amusa à produire avec des amis de petits films à la Ultraman en 8mm, où il joue le rôle du héros costumé ou du méchant monstroïde. Devenant ainsi une véritable encyclopédie vivante de l'univers SF moderne, Anno est prêt à passer au stade supérieur...

En 1981, il s'associe avec deux autres étudiants d'Osaka, Takami Akai et Hiroyuki Yamaga, pour créer un court-métrage qui sera projeté en ouverture d'une convention de SF, la Daicon III, où il remportera un grand succès. C'est Anno lui-même qui avait assuré toutes les phases de l'animation. L'année suivante, les trois compères sont engagés par Tatsunoko en tant qu'animateurs sur quelques épisodes de la future série-culte Macross. Puis, ils remettent ça en 1983 avec l'animation d'ouverture de la Daicon IV, et attirent par là-même l'attention d'un certain Hayao Miyazaki... Celui-ci décide de contacter Hideaki Anno et lui confie l'animation de la scène du God Warrior, à la fin de son film Nausicaä. L'occasion une nouvelle fois pour lui de démontrer son talent infini. Miyazaki, de passage dans le bureau du jeune homme, déclarera plus tard s'être demandé comment il faisait pour s'en sortir sous une telle pile de mangas et de bouquins... La même année, Anno participe à l'inoubliable long-métrage de Macross.

C'est à Noël 1984 qu'est fondée la Gainax, sur les bases de la petite société d'Anno, Daicon Films. Se faisant les mains en sous-traitant de l'animation pour d'autres (Anno participe ainsi à Megazone 23, avec une partie de l'équipe du film de Macross), l'entreprise met en même temps en chantier un film d'animation de grande envergure, Aile de Honnêamise, sorte de remake de L'étoffe des héros dans un univers parallèle. Il sera réalisé par Hiroyuki Yamaga, tandis qu'Anno participe à l'animation en compagnie notamment de Yûji Moriyama (Project A-Ko, Urusei Yatsura, Maison Ikkoku). Un fabuleux film pilote de quatre minutes, description très détaillée de cet univers à part épaulée par une magistrale bande sonore classique, leur permettra de convaincre Bandai de déploquer un budget équivalent au double de celui de Ghost in the shell. Le résultat est une pure merveille mais surtout un flop retentissant qui mettra la jeune société sur les genoux.

Pourtant, le film est considéré comme un chef-d'oeuvre dans la profession, et on leur fait confiance en proposant à la Gainax la réalisation du malheureusement décevant OAV d'Appleseed. Anno ne réalise ici que les scènes de robots. De plus, les studios Ghibli font une nouvelle fois appel à lui en tant qu'animateur, cette fois sur le somptueux Tombeau des lucioles d'Isao Takahata. La véritable consécration, c'est Top o nerae ! Gunbuster, en 1988. Hideaki Anno conçoit cet OAV de A à Z, le dirige et y met toute son âme. Cette oeuvre de SF apparemment anodine construit une intrigue fascinante qui atteint son summum dans les deux derniers épisodes. Ces monuments de l'histoire de l'animation japonaise démontrent pour la première fois au grand public le talent de réalisateur de Hideaki Anno, qui s'est permis de tourner le final de sa série en noir et blanc, à la manière d'un Raging Bull flamboyant... dont le thème du générique de fin inspirera largement celui de Gunbuster.

Porté par un public d'otakus qui a donné à son bébé le plus grand succès qu'un OAV ait jamais remporté, Anno enchaîne immédiatement sur une série TV d'aventure-action dont l'ambition est d'apporter au monde des séries une révolution équivalente à celle de Gunbuster dans le monde des vidéos. Mais cette fois, il arrive à imposer dans les derniers épisodes quelques-unes des théories ésotériques qu'il avait voulu insérer dans Gunbuster mais que ses collaborateurs l'avaient empêché de concrétiser, un peu angoissés par la peur d'un nouvel échec. Nadia démarre en trombe fin 1990, après plus d'un an de gestation douloureuse, et le résultat est une nouvelle fois un succès international. La série de 39 épisodes sera diffusée quasi-intégralement en notre pays un an plus tard (il en manque toujours l'épisode 34). Elle est d'ailleurs aujourd'hui toujours le chouchou du public français... Il faut dire qu'elle réunit toutes les qualités possibles et propose un fabuleux mélange des genres qui attirera à la fois les amateurs de drames et de comédies.

En 1992, Hideaki Anno participera à titre exceptionnel à l'une des plus prestigieuses séries vidéo de tous les temps, Giant Robo. Grâce au succès de Nadia, la Gainax peut enfin respirer financièrement. Parallèlement à Nadia, elle sort même Otaku no video, un OAV parodique en deux épisodes qui raconte la vie mouvementée d'un Hideaki Anno au mieux de sa forme. Deviendra-t'il maître du monde, comme semble le laisser supposer la fin de ce dessin animé ? En tout cas c'est bien parti... Après plusieurs années de dépression, le réalisateur-culte accouche d'un bébé difficile, Evangelion, qui sera tout simplement à l'origine d'un nouveau boom de l'animation. Il y concrétisera tous ses rêves de scénarios les plus fous, et atteindra pour la première fois un public pas spécialement intéressé par l'animation japonaise. Seul Yamato avait réussi à gagner ce pari vingt ans auparavant...

Rarement un réalisateur n'aura fait autant l'unanimité. Anno attire désormais les otakus de tous bords, mais son respect de l'âme humaine a amené les plus esthètes et les plus intellectuels à s'intéresser eux aussi à son travail de longue haleine... Evangelion réconcilie ainsi, ou peut-être oppose encore plus, les admirateurs des deux camps. Pour notre plus grand bonheur.

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